Itinéraire d’une dévergondée Chapitre 8

Ayant, enfin, obtenu quelques retours positifs, un choix s’imposait rapidement, tant le monde des « petits boulots » semblait volatile. Ma sélection fut rapide, sans arrière-pensée, et j’optai pour un particulier qui recherchait « … une compagnie plaisante pour assurer divers travaux domestiques. »
Rendez-vous fut pris illico. La fille habituée à la vie en pleine nature retrouvait l’ardeur qui la caractérisait et était plus qu’heureuse de pouvoir enfin changer d’air, tant l’envie de ne pas me cantonner dans cet univers trop cloîtré était fort.

C’est ainsi que je me retrouvai dès le lendemain devant un pavillon situé à seulement deux kilomètres de mon lieu d’hébergement, il m’était donc facile de m’y rendre à pied. Après avoir traversé un jardinet où l’automne commençait à marquer sa présence en teintant d’ocre les feuillages, je fus agréablement reçue par un homme d’une cinquantaine d’années qui présentait un léger embonpoint et peinait à se déplacer en boitillant.
L’entretien fut court. Il s’agissait simplement de prendre contact et de se mettre d’accord sur ma prestation et mes heures de service. Devant un café frais, visiblement préparé à mon intention, l’homme m’expliqua s’être fait récemment opérer d’une hanche et ne pouvait plus rester debout trop longtemps, ni trop se déplacer. Il fut convenu qu’il me suffirait de passer deux fois par semaine, la première pour une séance de repassage, la seconde pour l’entretien régulier de la maison.
Nos premiers tête-à-tête se passèrent avec un train-train assez routinier, cependant notre relation devenait plus ouverte au fil des semaines, et nous nous attardions parfois à discuter de nos vies respectives. Il faut dire que l’homme était particulièrement disert, et visiblement très heureux de pouvoir rompre avec une solitude qui devait lui être pesante. Pendant que je vaquais à mes occupations, il ne cessait de me raconter les moments forts de sa vie : maladie et décès de son épouse, un fils qu’il voyait trop peu, son métier et sa mise à la retraite…
Je faisais quelques efforts pour suivre le récit de ses péripéties, mais la plupart du temps il discutait sans fin, sans même s’apercevoir que je ne lui prêtais plus qu’une oreille distraite. J’en arrivais également à lui raconter ma vie de solitaire recluse, le peu d’intérêt que je portais à mes études qui ne correspondaient pas à mes attentes.
Un soir, alors que nous devisions comme à l’accoutumé, il en arriva à me proposer de rester chez lui tout un week-end, histoire de me sortir un peu de cet environnement estudiantin où je ne semblais pas réellement trouver ma place. Il avait une chambre d’ami qui restait inutilisée, il suffisait de la préparer. Nous pourrions ainsi partager les repas et quelques paroles, le reste du temps je serais libre de me consacrer à mes études ; un bureau pouvant même être installé dans la pièce.
D’abord réticente, je finis cependant par prendre mes quartiers chez mon embaucheur à chaque fin de semaine. Nos échanges devenaient de plus en plus amicaux, voire un peu au-delà, car je m’apercevais que le regard qu’il me portait avait évolué depuis notre premier entretien. Plutôt que de m’importuner, cela m’amusait d’autant que son charme naturel exerçait sur moi une certaine attirance.
L’homme, encore convalescent, était extrêmement frileux, ce qui m’obligeait à supporter des températures élevées dans presque toutes les pièces. Il ne vit aucun inconvénient à ce que ma tenue vestimentaire soit, la majorité du temps, réduite au simple respect de la bienséance : short et débardeur.
Un soir, alors que je préparais notre repas commun, dans le reflet d’un élément de cuisine qui renvoyait comme un miroir, je vis ses prunelles convoiter mon postérieur avec un intérêt qui était loin de me laisser indifférente.

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Je vis ses prunelles convoiter mon postérieur…

Au moment de servir le plat, comme je me retrouvai près de lui, je sentis ses doigts effleurer l’arrière de ma cuisse qu’il flatta avec hardiesse. Le contact me fit légèrement sursauter, je faillis même lâcher le manche de la poêle brûlante que je tenais. Loin de se démonter, il me déclara sans fard :

— Tu es vraiment un joli brin de fille !

Bien que je pris son avis pour un compliment, je sentis le sang me monter au visage. Avec un teint plus empourpré par l’audace de son geste que par celui qu’affichait le niveau de mercure, ma réponse fut moins impétueuse et nettement plus évasive :

— Ah bon…

Sur le ton de la confidence, mais avec la même assurance, il se montra tout aussi entreprenant pour poursuivre :

— Tu sais, il y avait bien longtemps que je n’avais pas eu de compagnie féminine.

Il reprit la litanie de son long veuvage, sa solitude… Comme à l’accoutumé, je lui laissais la primauté de ses soliloques, me contentant de hocher la tête en guise d’acquiescement, d’ouvrir des yeux ronds pour marquer mon étonnement, répondant au mieux par quelques onomatopées à ces questionnements dont il n’attendait de toute manière aucune réponse.

Inanna

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