Itinéraire d’une dévergondée Chapitre 2

 

Le lendemain, diverses occupations m’avaient retenue vers d’autres horizons. Mais le jour suivant me laissa fort heureusement libre de mes mouvements pour une bonne partie de la journée.

C’est sous un soleil ardent que je me retrouvais à sillonner la grève en tout début d’après-midi, guettant l’instant propice pour me glisser dans le « passage secret » sans me faire repérer des rares flâneurs. Lorsque le moment favorable se présenta, il ne me fallut qu’une poignée de secondes pour me soustraire à la vue d’éventuelles indiscrétions. J’eus quelques difficultés à retrouver le chemin inverse de ce labyrinthe végétal, me retrouvant par deux fois devant des branchages infranchissables.

Maintenant que j’étais dans la place tant convoitée, je craignais d’être venue à un moment inopportun et me demandais comment signaler ma présence au maître de céans. Je n’eus pas à tergiverser longtemps, mon arrivée fut annoncée par le bruit des graviers sous mes pas bien avant mon apparition.

Philippe semblait m’attendre en se prélassant dans l’un des fauteuils de sa terrasse, les pieds négligemment posés sur la table basse. Seulement revêtu d’un bermuda, il exposait son corps déjà hâlé aux vifs rayons solaires. Me délivrant un sourire radieux, il s’extirpa sans peine de sa confortable position pour me baiser la main avec déférence. Sous le geste, je pus admirer la fine musculature tendue sous sa peau basanée.

— Je faisais ma sieste, s’excusa-t-il. Veux-tu rentrer ou profiter de cette superbe météo ?

— La chaleur ne me dérange pas, au moins je pourrais bronzer un peu.

— C’est vrai que tu es une fille du Sud.

— Oui, mais encore un peu pâlichonne !

— Justement, mets-toi à l’aise !

N’ayant guère d’effets sur moi, je ne pus faire mieux que m’asseoir entre les bras de l’un des accueillants fauteuils. Cette fois, ayant également enfilé un short, je ne risquais pas de me retrouver dans une situation compromettante.

M’ayant laissé m’installer, il me demanda :

— Tu n’as pas emmené ton petit Granite avec toi ? Je vous croyais inséparables ?

— Non, j’ai préféré le laisser à la maison, mais je le sortirais en rentrant, ce sera plus supportable pour lui.

— Pourquoi ce nom ? En référence à la Bretagne ?

— Oui, il provient d’un éleveur breton. On me l’avait offert pour un anniversaire. Il vient tout juste d’avoir deux ans.

— Tout s’explique. Je vais prendre de quoi nous désaltérer, je reviens.

Quand il revint avec son plateau chargé de deux verres et d’une carafe remplie de jus de fruit, j’eus la vague impression de revivre la scène de l’été précédent. Ce sentiment me sembla partagé, un silence qui commençait à être gênant s’était installé. Je tentais d’introduire un semblant de dialogue, ce fut en vain. Mon imagination, habituellement si fertile, me faisait défaut. L’observant verser l’odorante boisson, je ne pus m’empêcher de lui faire partager ma remarque :

— Tu es déjà bien bronzé et…

Ma parole, que je regrettais aussitôt, resta en suspens.

— Et tu n’as rien vu ! me dit-il, tout sourire et soutenant mon regard avec une forte insistance.

Déstabilisée par le sous-entendu un brin grivois de sa phrase, je donnais l’air de ne pas en comprendre le véritable sens. Il jugea bon de rajouter dans un style aussi leste :

— Je suis seul ici, personne ne peut me voir, alors pourquoi se gêner ? C’est très agréable, tu n’as jamais essayé ?

La simple pensée de cet homme, déambulant entièrement nu sur sa propriété, me fit monter une bouffée de chaleur au visage. À la vue de mes joues subitement pourprées, plus amusé qu’inquiet de mon embarras, il insista :

— Si tu veux vraiment essayer, ne te gêne pas pour moi. Je t’assure que s’exposer nu à notre bonne étoile est très agréable.

Je restais muette de stupéfaction, ouvrant des yeux ronds comme des billes. Puis, comprenant qu’il se divertissait à mes dépens, je me mis à pouffer. Le rire étant souvent communicatif, nous voilà partis tous deux à nous esclaffer à s’en décrocher la mâchoire.

Une fois la crise passée, je me sentis plus relaxée, plus encline à une perceptible complicité. Pour une raison que j’ignore, dès cet instant, je ne parvins plus à détacher mes yeux de ses lèvres finement ourlées, me remémorant la scène de notre vive embrassade de l’avant-veille. Plongée dans ma rêverie, je ne m’aperçus pas immédiatement qu’il s’était levé de sa place et ce n’est qu’en le voyant planté debout devant moi que je pris réellement conscience de sa présence.

Agissant d’instinct, je me relevai et me retrouvai inexplicablement entre ses bras, traversée par d’énigmatiques chatouillements. Au contact de sa poitrine recouverte de sa seule toison, les mystérieux picotements se muèrent en fourmillements plus intenses, mes tempes battaient la chamade. Les jambes flageolantes, je ne pus résister au désir de goûter au fruit de sa bouche. Ne cherchant nullement à me soustraire à la pression qu’il exerçait sur mon corps, je plaquais mon ventre sur le sien à la recherche de la plus infime marque d’une réaction virile.

Je n’éprouvais plus aucune honte à m’abandonner à ses contacts, cherchant même à les devancer. Ses caresses se firent plus explicites. M’agrippant par les fesses, dont il flattait la ferme rondeur au travers de mon short, il me serra encore plus fortement contre lui. La manifestation de son désir devenait flagrante, ce qui était loin d’apaiser ma propre excitation. Confusément, je sentis l’intérieur de ma vulve s’humidifier, imprégnant mon sous-vêtement de sève intime.

Ses doigts suivirent l’ébauche d’un sein, titillant au passage son arrogante pointe au travers de la fine étoffe du débardeur. Desserrant quelque peu son enlacement, une main descendit le long de ma hanche, s’attardant pour en évaluer les courbes juvéniles, puis, se glissant sans vergogne sous mon tee-shirt, se posa sur la peau délicate de mon ventre brûlant.

Avec l’ardeur d’un fantassin s’avançant en terrain conquis, ses lèvres toujours collées aux miennes, il tenta une percée pour s’immiscer plus avant dans mes quartiers. Je ne pus contenir un mouvement en arrière, rentrant l’abdomen, les jambes serrées ; ma reculade le fit battre en retraite.

Me retenant toujours contre lui, alors que je m’efforçais de garder une certaine distance, il me caressa tendrement les cheveux. La joue contre sa poitrine velue, je me risquais à baisser les yeux vers un endroit précis de son anatomie, une proéminence y était encore perceptible, si proche, si tentatrice…

Une fois de plus, dans un dernier réflexe conditionné par une excessive pruderie, je rompais de manière totalement irréfléchie une entente naissante vers laquelle portait mes désirs. Bien que perplexe face à mon refus, très bienveillant, il ne laissa paraître aucun signe d’agacement face à cette soudaine virevolte. L’expérience d’une vie bien remplie l’avait suffisamment façonné pour qu’il efface aussitôt cette preuve de contrariété qui n’aurait eu comme seul résultat que la perte d’un temps précieux dont il disposait encore pour quelques instants.

Je le quittai encore plus mortifiée que lors de nos précédentes rencontres, pensant réellement ne plus jamais le revoir.

 

Inanna

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